Voici le deuxième article de cette série ayant pour objectif de comprendre les principes clés de fonctionnement de la mémoire pour ensuite en déduire des recommandations pratiques pour la conception de modules e-learning efficaces. Nous avons abordé dans l’article précédent les composantes de la mémoire et leur fonctionnement. Dans cet article, nous nous concentrerons sur la théorie de la charge cognitive induite dans la mémoire de travail.
- Les schémas mentaux :
Nous avions vu dans l’article précédent que la mémoire à court terme ne pouvait retenir efficacement que 3 éléments à la fois. Mais, cette capacité peut être significativement étendue grâce aux regroupements. Ce qui veut dire que la mémoire de travail peut comporter un petit nombre de regroupements d’un grand nombre d’informations sous forme de concepts ou de connaissances antérieurement stockées dans la mémoire à long terme. Ces regroupements sont possibles grâce aux schémas mentaux.
Exemple : Lorsque nous déchiffrons des lettres, celles-ci sont instinctivement regroupées sous forme de mots et de phrases, puis d’informations fournies à la mémoire de travail.
- La charge cognitive :
La théorie de la charge cognitive a été proposée par le psychologue John Sweller et Fred Paas dans les années 80. La charge cognitive, ou charge mentale, met en jeu la capacité de stockage et de traitement de l’information de la mémoire de travail. L’idée de base est, qu’à l’instar d’un processeur qui risque de planter en cas de surcharge de tâches, si un processus mobilise une quantité trop importante de ressources mentales, la réalisation de la tâche sera entravée.
La charge cognitive a trois composantes, la charge intrinsèque, la charge extrinsèque et la charge essentielle.
Charge intrinsèque (intrinsic cognitive load) : il s’agit de la charge mentale inhérente à la tâche elle-même. Elle sera d’autant plus élevée que le sujet d’étude est complexe et comporte plusieurs interconnexions. Cette charge ne peut donc être réduite sans réduire des éléments de la tâche elle-même. Par exemple, la charge intrinsèque pour apprendre le Chinois est plus importante que pour apprendre un logiciel de traitement de texte. De plus, la charge intrinsèque d’un sujet donné dépend de l’expertise de l’apprenant ; ainsi, le cerveau d’un expert comporte un grand nombre de schémas mentaux déjà établis lui permettant d’atteindre l’objectif d’apprentissage avec moins d’effort mental qu’un apprenant novice.
Exemple : Une personne doit retenir cette suite de chiffres : 1914 1918 1939 1945. Si on prend trois enfants : Sam a 5 ans et connaît les chiffres et les nombres, Nadia a 8 ans et connaît la notion de date, Adam a 12 ans et a des notions d’histoire. La charge intrinsèque induite par la mémorisation de cette suite de chiffres pour Sam est supérieure à celle de Nadia, qui est supérieure à celle d’Adam.
Charge extrinsèque (extraneous cognitive load) : Il s’agit d’une charge qui n’est pas en lien avec le sujet d’étude lui-même mais plutôt avec la façon de le présenter. Il peut s’agir d’informations superflues ou redondantes ou encore d’éléments visuels ou auditifs sans utilité venant parasiter l’apprentissage lui-même en surchargeant l’effort mental. La qualité de la conception pédagogique a un impact direct sur la charge extrinsèque.
Exemple : Retenir le mot de passe suivant : IHjkap ;46odc Pour retenir ce mot de passe, les couleurs n’apportent aucune aide à l’apprentissage. C’est une charge extrinsèque qui ajoute des informations qui perturbent la rétention.
Charge essentielle ou pertinente (germane cognitive load) : également appelée charge extrinsèque utile. Il s’agit de l’effort investi pour la construction de schémas mentaux permettant d’enrichir la mémoire à long terme et de faciliter les apprentissages relatifs au sujet maintenant et à l’avenir. La condition c’est que cet effort soit utile pour l’apprentissage lui-même.
Exemple : Un puzzle dont les pièces représentent des parties de mots. L’apprenant doit composer chaque mot avec deux pièces de puzzle. Le but étant de retenir les nouveaux mots d’une thématique donnée. Si l’apprenant essaie simplement de repérer les formes de puzzles qui s’imbriquent, il aura fourni un effort mental, mais celui-ci ne l’aidera pas à construire des schémas mentaux relatifs aux termes eux-mêmes. Par contre, s’il se concentre sur les parties de mots et les testes les unes avec les autres jusqu’à composer les bons mots, il construira des schémas mentaux qui l’aideront lors de la récupération en mémoire de ces termes. C’est cela la charge essentielle.
On retiendra donc qu’un apprentissage efficace prend place lorsque le pédagogue ajuste la complexité à l’apprenant (charge intrinsèque), réduit les éléments superflus (charge extrinsèque) et induit un effort mental suffisant et pertinent pour l’apprentissage (charge germane).
Un apprentissage efficace prend place lorsque le pédagogue ajuste la complexité à l’apprenant (charge intrinsèque), réduit les éléments superflus (charge extrinsèque) et induit un effort mental suffisant et pertinent pour l’apprentissage (charge germane).
La théorie de la charge cognitive fait face, ces dernières années, aux critiques de certains scientifiques notamment par rapport à la difficulté de l’utiliser dans la pratique pour distinguer et mesurer les différents types de charges cognitives. Mais, elle reste une base intéressante pour comprendre la raison d’être de la plupart des approches pédagogiques et outils multimédias que nous utilisons dans les dispositifs e-learning. Cela nous permettra également de faire le tri entre l’utile pédagogiquement et les éléments technologiques ou artistiques qui viendront handicaper l’apprentissage plutôt que le favoriser ou encore qui représentent un coût inutile. C’est l’objet de notre prochain article.
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